Au mois d’avril de chaque année se déroule la fête de Thingyan – la fête la plus importante de l’année pour les Birmans. De nombreuse activités et représentations théâtrales sont donc organisées pour célébrer l’arrivée de la nouvelle année, y compris des spectacles uniques de marionnettes birmanes. Cet art ancestral n’est pas seulement un trésor précieux de la culture birmane mais aussi une grande fierté pour les Birmans. Les marionnettes traditionnelles sont aussi étonnantes que divertissantes pour ceux qui ont la chance d’assister à une de leurs représentations.
L’histoire des marionnettes birmanes
Selon la légende, la marionnette (Yoke thé en birman) apparaît approximativement au XVe siècle, principalement pour divertir la classe dirigeante de la royauté. Jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, sous la dynastie des Konbaung, de nombreuses troupes de marionnettistes suivaient le cours de l’Irrawaddy et parcouraient l’ensemble du pays avec leurs scènes mobiles. Progressivement, ils s’installèrent alors au sein de la communauté et de la culture locale. L’art des spectacles de marionnettes s’est ensuite développé, notamment en y intégrant des danses, et a connu un grand succès à cette époque. Il constituait alors une activité indispensable lors des grandes fêtes ou des événements importants. En fait, les performances de marionnettes étaient non seulement un divertissement mais furent aussi un très bon moyen de diffuser des informations politiques aux habitants mais aussi exprimer des critiques envers certains problèmes.
La chute de l’art traditionnel de marionnettes
Durant la période coloniale au XIXe siècle, cette forme d’art mettait en scène les souhaits et les désaccords du peuple contre les abus des régimes dominants. En effet, les habitants utilisèrent des pièces de théâtre comme une forme de satire, pour exprimer leurs problèmes sociaux, leurs blagues et surtout leurs moqueries envers les Britanniques. Pour cette raison, le théâtre de marionnette n’a pas survécu longtemps et le nombre de troupes décroissait nettement.
Après l’indépendance du pays, il traversa une crise existentielle en ayant souffert d’un grand manque d’artistes. C’est le résultat de la décolonisation, des conflits internes ainsi que du refus des arts et de la culture moderne durant des décennies de dictature militaire. Le gouvernement s’inquiétait alors d’être considéré comme un gouvernement fantoche et que le peuple utilise les marionnettes pour les moquer, comme durant la période coloniale. En raison de ses prises de positions politiques et sociétales, cet art fut sérieusement restreint par des censures strictes appliquées par le gouvernement.
Une vidéo sur le spectacle de marionnette de la troupe de Htwe Oo :
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Quelques caractéristiques des marionnettes birmanes
Avec leurs mouvements souples, leurs couleurs vives et leur apparence soignée, les marionnettes semblent prêtent, tels des Pinocchio, à prendre vie. Les marionnettes birmanes sont sculptées dans le bois, puis polies avant d’être poncées et peintes. Ensuite, elles sont vêtues d’un beau costume traditionnel, de bagues et d’autres accessoires. Chaque marionnette est généralement composée de 17 à 19 morceaux de bois et animée par 11 cordes (la plus compliquée peut en contenir jusqu’à 16). La tête et les épaules sont contrôlées par 5 cordes alors que les bras et les jambes sont attachés aux 6 autres. La manipulation des marionnettes exige donc des artistes une certaine dextérité qui ne viendra qu’avec la pratique pour insuffler la vie aux figurines de bois. Jusqu’à 28 personnages principaux sont employés dans une pièce de théâtre : des dieux, des animaux, des monstres et des membres de la famille royale.
Le spectacle de marionnettes birmanes
L’art des marionnettes intègre également une dimension divertissante, politique et de transmission des valeurs spirituelles, des mythes et des doctrines birmanes. L’intrigue d’une pièce peut varier selon les mythes anciens, la culture ou les événements quotidiens. Au répertoire, 28 marionnettes principales racontent généralement des histoires de la création de l’univers avec l’apparition des animaux fantastiques, la fondation du royaume, la légende du Bouddhisme et la mythologie hindoue.
Ainsi, pour assurer le succès de la performance, les marionnettistes doivent posséder une très bonne mémoire afin de raconter une histoire longue et très détaillée. En outre, les éléments essentiels de la majorité des spectacles de marionnettes sont : l’orchestre (hsaing-waing en birman) et les chanteurs, qui apportent davantage de contexte au public à travers leur musique. Ils doivent être capables de chanter dans des styles variés et avoir une vaste connaissance de l’histoire, de la littérature et de la poésie birmane. De plus, selon les marionnettistes Birmans, la réussite d’un spectacle se base notamment sur des éléments spirituels.
Le théâtre de marionnettes birmanes, une performance de l’âme
Ye Dway, maître marionnettiste et écrivain Birman, s’est donné pour mission de préserver cet art de l’extinction. Dans l’un de ses ouvrages, il décrit notamment la grande spiritualité qui entoure cette discipline. Ye Dway parle notamment de l’esprit de Lamaing, protecteur du théâtre qui a pour vocation d’inspirer les artistes.
Pour louer la qualité d’une pièce de théâtre, les marionnettistes diront que leur partenaire est « possédé par l’esprit de Lamaing ». En effet, les Birmans mêlent souvent spiritualité et activités professionnelles. Les marionnettistes expliquent donc que pour qu’un spectacle connaisse le succès, il est indispensable de croire en l’esprit de Lamaing.
Même lors de la confection et du façonnage des figurines de bois, les artisans doivent respecter de nombreuses règles. Les marionnettes fabriquées ne doivent pas seulement être belles mais aussi vivantes et créatrices d’émotions. C’est l’âme et la vivacité des personnages qui transportent le public plutôt que leur apparence extérieure. Quand les marionnettes vieillissent, les marionnettistes les gardent pour faire perdurer cet art traditionnel unique.
L’art des marionnettes birmanes de nos jours
Après une longue période de déclin, à la fin du XXe siècle, la Birmanie s’ouvra progressivement au tourisme. Aujourd’hui, l’industrie touristique florissante du pays insuffle une nouvelle vie à l’art du théâtre de marionnettes birmanes. Les marionnettes ont en fait la capacité de combler le fossé générationnel et culturel, notamment créé par les circonstances sociales et politiques des dernières années. Par conséquent, le gouvernement a soutenu officiellement les marionnettistes et leurs troupes en faisant revivre cette tradition en voie de disparition. De nos jours, les marionnettes ont retrouvé une certaine popularité, notamment auprès des voyageurs étrangers. Il est aussi possible d’assister aux spectacles de marionnettes pendant le dîner dans de nombreux restaurants des grandes villes birmanes.
Votre curiosité a-t-elle était piquée par cet art multi-centenaire ? Dites-nous en commentaire !
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