Dans la région montagneuse du nord du Vietnam, l’isolement géographique fractionne le peuplement. Les vallées communicant difficilement, il en résulte une multiplicité de groupes ethniques aux us et coutumes spécifiques. Vivant près de la frontière avec le Laos et la Chine avec une population de plus de 750.000 personnes, l’ethnie Dao conserve encore des traits culturels uniques, dont des rituels à la fois sacrés et mythiques. Parmi lesquels, le Cap Sac constitue l’un des rituels religieux les plus importants de la communauté de Dao, surtout pour les hommes. Celui-ci est indispensable pour qu’un garçon devienne un homme mature et un véritable descendant de Ban Vuong (l’ancêtre de Dao), qui peut participer aux principales activités de la communauté et est capable de retrouver ses ancêtres après sa mort.
La légende du rituel de Cap Sac
Selon la légende des Dao, leurs ancêtres vivaient sur les hautes montagnes lorsque les démons sont apparus. Ils attaquèrent les êtres humains, mangèrent le bétail et détruisirent la récolte des paysans. Sans magie, les êtres humains ne pouvaient pas les vaincre et se résignèrent donc à souffrir. En apercevant les souffrances de la population, l’empereur de Jade envoya des combattants célestes sur Terre pour tuer ces esprits malfaisants. Cependant, ces derniers ne furent pas éliminés car ils étaient trop nombreux. L’empereur de Jade décida de demander aux divinités de transmettre la magie aux villageois masculins et ces derniers étaient appelés respectivement par les autres villageois « thay tao » ou chamans. Les combattants célestes et les chamans combattaient ensemble et ont finalement tué tous les mauvais esprits.
Initialement, le rituel de Cap Sac était tenu uniquement pour certains hommes spécifiques dans le village qui voulaient être chamans, cependant, celui-ci est considéré aujourd’hui comme un rite obligatoire pour tous les hommes. Les garçons ou les hommes Dao de 11 à 30 ans doivent passer ce rituel pour être considéré comme un homme mature, pouvoir se marier et devenir chef de famille ou encore chef de village. Selon les Dao, une personne qui ne passe pas le Cap Sac ne serait pas en mesure de contrôler son esprit, ce qui nuirait par conséquent au destin de sa progéniture. Il s’agit également d’un rituel de la « naissance d’une personne » dans lequel un homme Dao reçoit un nom de dieu qui peut être utilisé dans l’autre monde. On croit aussi que les gens qui passent le Cap Sac ne seront pas blessés par les démons à leur mort.
Comment se déroule le Cap Sac ?
L’année où s’organise le Cap Sac d’un homme doit être soigneusement choisie pour bien s’adapter à son année de naissance. Le rituel a généralement lieu au 1er, 11e ou 12e mois de l’année lunaire. Le Cap Sac est divisé en trois niveaux : trois lampes, sept lampes et douze lampes. Tous les hommes ordinaires doivent passer le rituel de trois lampes tandis que ceux qui passent les rituels de sept et douze lampes peuvent devenir chaman. Ils doivent être tous dirigés par les chamans qui sont expérimentés dans les cultes liés aux rituels du village, généralement de trois à sept chamans en fonction du niveau de rituel.
Avant le rite, les chamans mettent en place un autel et prient pour le soutien des divinités à travers la cérémonie du sacrifice de poulet. Jusqu’à minuit, ils battent des tambours et des gongs tout en lisant des textes de culte afin d’inviter au rituel les divinités gardiennes et les dieux suprêmes tels que l’empereur de Jade, Ban Vuong, Lao Zi (fondateur du taoïsme) et les dieux des montagnes, des rivières et de la terre. La chambre du culte est bientôt remplie des peintures des dieux ainsi que de la philosophie de la relation entre la vie humaine et l’univers. Avant le soleil, les chamans ainsi que les participants doivent monter à un autel de 2 mètre de haut, qui est installé temporairement près de la maison, puis effectuent le rite devant les divinités. Ensuite, ils marchent trois tours dans le sens des aiguilles d’une montre pour montrer leur respect au ciel et chasser les mauvais esprits. Enfin, les hommes qui passent le Cap Sac seront baptisés d’un nom de dieu et pourront participer aux affaires sociales.
L’un des rituels les plus sacrés du peuple Dao
Le rituel des trois lampes peut durer un à deux jours avec des rites simples, cependant, ceux des sept ou douze lampes sont plus compliqués et prennent de quatre à cinq jours avec des étapes plus mystiques. En plus des rites ci-dessus, le Cap Sac de sept ou douze lampes comprend un rituel spirituel unique pour les élèves des chamans qui veulent devenir à leur tour chamans.
Lors de ce rituel, le chef chaman « emmène » ses élèves dans l’autre monde pour rencontrer l’empereur de Jade et obtenir la magie. Ils se couchent en reposant leurs têtes sur les « oreillers de rêve » et portent un masque de papier avec les têtes des divinités. Après le rituel, le chef chaman marche trois tours en priant et retirant le masque. Puis il prend une gorgée de petit thé, vaporise sur leur ventre et tapote la poitrine de chacun pour les réveiller. Après le rite, ceux qui passent le rituel seront tamponnés sur la tête par les chamans.
D’ailleurs, seuls les couples qui passent le Cap Sac des douze lampes seront autorisés à se retrouver dans l’autre monde. Durant les rites, les femmes et les hommes portent leur costume traditionnel, prennent des repas végétariens, pratiquent l’abstinence sexuelle et font des bonnes actions durant le rituel. En passant le Cap Sac, les hommes reçoivent des enseignements qui ont des significations religieuses mais aussi pédagogiques.
Le rituel de Cap Sac constitue un trait spirituel unique dans la croyance des Dao au nord du Vietnam pendant des milliers d’années. Il joue également comme une image multi-aspects reflétant véritablement leur vie, ce qui, par conséquent, contribue de manière significative au trésor culturel immatériel du pays.
Et pour découvrir le nord du Vietnam et rencontrer l’ethnie Dao :
>> La grande traversée du Vietnam 15 jours
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