Tourisme de mémoire au Cambodge

Le terme « dark tourism » ou le tourisme noir devient aujourd’hui « une tendance populaire », consistant à organiser la visite de lieux étroitement associés à la mort, aux tragédies et aux souffrances. En effet, de nombreux sites historiques célèbres tels que le camp de concentration d’Auschwitz, le mémorial du 11 septembre, la maison d’Anne Frank, la zone d’exclusion de Tchernobyl et le mémorial d’Holocauste enregistrent chaque année un grand nombre de visiteurs. En Asie du Sud-Est, la demande augmente parmi les voyageurs qui souhaitent assister aux cérémonies funéraires dans la région de Toraja en Indonésie, s’aventurer sous les tunnels souterrains de Cu Chi ou dans la prison de Phu Quoc au Vietnam.

> Une balade à travers Phu Quoc et son histoire

Le Cambodge, quant à lui, est considéré comme le pays ayant le plus souffert en Asie. L’auto-génocide cambodgien entre 1975 et 1979 fut l’un des pires crimes contre l’humanité de tous les temps. Au cours de cette période, un tiers de la population, soit près de 3 millions de personnes, fut massacrée par le régime des Khmer Rouge, sous la direction du dictateur Pol Pot, qui aspirait à créer une république agraire socialiste autonome. Des meurtres, massacres, exécutions et persécutions ethniques, religieuses ou politiques étaient donc, selon les chefs des Khmers Rouges, la conséquence de la « purification de la population ».

Une quarantaine d’années après que les Vietnamiens mirent fin au régime de Khmer Rouge en 1979, les souffrances et la douleur de ce traumatisme se font encore sentir dans la vie des Cambodgiens. Quelques sites de tourisme noir sont aujourd’hui ouverts au public au Cambodge, notamment destiné à ceux qui souhaitent se recueillir et découvrir la sombre histoire du pays. C’est pourquoi nous préférons le terme de « tourisme de mémoire ».

Le musée du génocide Toul Sleng, la prison S-21

Situé dans la capitale, Phnom Penh, le musée du génocide de Toul Sleng, avait été autrefois un lycée avant d’être transformé en prison secrète du régime des Khmer Rouge, appelée S-21. La prison S-21 était utilisée pour interroger et exécuter des milliers de prisonniers. Environ 20.000 personnes y auraient été y incarcérées et soumises à des actes de torture avant qu’elles soient exécutées dans les champs de la mort.

Tourisme de mémoire au Cambodge Toul Sleng

Les bâtiments gris du musée sont maintenant laissés tels qu’ils furent trouvés après la chute du régime. Certains sont encore recouverts de fils de fer barbelés. Les chambres équipées d’outils de torture sont également exposées. D’ailleurs, le musée présente une exposition émouvante des photos de prisonniers, prises à leur arrivée à la prison, ainsi que leurs récits. Seuls 14 captifs ont survécu. Certains d’entre eux travaillent maintenant dans le musée en organisant des visites guidées ou racontant leurs expériences aux visiteurs.         

Tourisme de mémoire au Cambodge Toul Sleng    

Adresse : Rue 113, Boeung Keng Kang III, Chamkarmorn, Phnom Penh

Heures d’ouverture : tous les jours de 8h à 17h

Entrée : Adulte : 5$/ Enfant : 3$

Les champs de la mort de Choeung Ek, un haut lieu du tourisme de mémoire

Choeung Ek, ne se trouve pas très loin du musée de Toul Sleng, et constitue le plus grand des 150 centres d’exécution du pays. Comme son nom l’indique, il s’agit d’une zone isolée où des milliers de prisonniers furent massacrés et enterrés. Environ 17.000 personnes ont été exécutées, dont des os de plus de 8000 personnes, ont été trouvés et arrangés par sexe et par âge dans une vitrine de 17 étages à l’intérieur d’un grand stupa commémoratif. De nombreux ossements des milliers d’autres personnes restent toujours sous les champs.

Tourisme de mémoire au Cambodge Choeung Ek

Dans leur folie meurtrière, les Khmers Rouges avaient pour habitude de décimer des familles entières, y compris des enfants, pour éviter tout risque futur de vengeance. Par conséquent, à côté des fosses communes se trouve un chankiri ou « arbre de la mort », l’endroit le plus terrifiant de Choeung Ek. Son large tronc était utilisé pour écraser la tête des enfants avant qu’ils ne soient jetés dans les fosses communes. Comme les balles étaient chères à cette époque, les victimes furent tuées de manières très brutales et de toutes les manières possibles. Des haut-parleurs étaient donc installés sur un arbre afin de couvrir les cris des prisonniers avec de la musique.

L'arbre de mot du Choeung Ek

Choeung Ek fut par la suite transformé ensuite en un site commémoratif et une attraction touristique dans le but d’éduquer les Cambodgiens, et le monde entier, sur les atrocités du passé, tout en commémorant les victimes. Une cérémonie commémorative se tient annuellement le 9 mai.

Heures d’ouverture : tous les jours de 7h30 à 17h30

Entrée : 6$, audio-guide inclus

Le musée cambodgien des mines terrestres

Malgré la chute des Khmers Rouges en 1979, les horreurs ont continué même des années plus tard. Des millions de mines antipersonnel et de bombes non-explosées subsistent toujours dans tout le pays, particulièrement dans le nord. Aujourd’hui, elles continuent de faire une centaine de victimes chaque année, surtout des enfants. Plus de 4000 personnes travaillent quotidiennement pour nettoyer les restes d’une guerre vieille de plus de 40 ans.

Tourisme de mémoire au Cambodge

Situé à la périphérie de Siem Reap sur la route allant à Banteay Srei, le Musée Cambodgien des Mines Terrestres fascine de nombreux visiteurs pour sa grande collection de mines terrestres, de munitions non explosées et pour l’histoire de son fondateur. Aki Ra avait dix ans lorsqu’il fut forcé de rejoindre les Khmer Rouge en tant qu’enfant soldat. Après des années de combats, il retourna dans les villages, où il avait posé des milliers de mines, et commença à les enlever à la main ou à l’aide d’outils faits-mains. Des milliers de mines et d’obus, bien sûr garantis à 100% sans explosifs, ainsi que des armes légères et d’autre matériel militaire sont exposés par la suite dans son musée.

Musée des Mines terrestres

L’argent qu’il reçoit est utilisé pour subvenir aux besoins des enfants de son centre de secours. À l’origine, dans les villages où Aki Ra nettoyait les mines, il trouvait de nombreux enfants blessés par les mines antipersonnel. Ensuite, il les ramena chez lui et les soigna aux côtés de ses propres enfants. Aujourd’hui, son établissement est élargi et s’occupe également des orphelins, des abandonnés ou encore des enfants qui souffrent de diverses difficultés. Le musée n’est pas grand et assez simple, mais ce que vous obtiendrez de sa visite est unique. En effet, il sensibilise ses visiteurs aux horreurs de la guerre et son résultat terrifiant. Mais surtout participe à la reconstruction de ses victimes innocentes.

Heures d’ouverture : tous les jours de 7h à 17h30

Entrée : Adulte : 5$/ Enfant moins de 10 ans : gratuit

Bien préparer avant votre visite

Le tourisme de mémoire n’est pas pour tout le monde et visiter les lieux de torture et de massacre de masse peut vous affecter plus que prévu. Assurez-vous également que vous êtes prêts à passer quelques jours émotionnellement secoués après la visite. Cela peut être une démarche difficile, mais ces découvertes permettent de mieux comprendre les souffrances des Cambodgiens et les pires événements de l’histoire de l’humanité, afin d’empêcher de les répéter et de contribuer à la garantie de la paix dans le monde.

Gardez aussi à l’esprit que ces sites sont des monuments sacrés et respectueux des trépassés et que les visiteurs sont encouragés à se comporter de manière appropriée. Il est nécessaire d’être conscient que l’on visite des mémoriaux. Des endroits où des innocents ont perdu la vie, des familles ont été brisées ou éradiquées et où l’humanité a montré ce qu’elle a de pire en elle. S’habiller de manière respectueuse, adopter un comportement de solennité, éviter de prendre des photos ou demander l’autorisation sont prérequis lors de la visite de tels sites.      

Pour mieux comprendre le génocide cambodgien

Si vous souhaitez faire quelques recherches et apprendre plus sur le génocide cambodgien avant de vous y rendre, nous vous proposons ces quelques documents pour vous aiguiller :

D’abord, ils ont tué mon père (2000) est un compte rendu détaillé de Loung Ung, une jeune survivante du régime. Il s’agit d’une réflexion puissante sur son expérience enfantine pendant cette période sombre de l’histoire cambodgienne. Le film du même titre est sorti en 2017.    

Pol Pot: Anatomie d’un cauchemar (2005) de Philip Short est une analyse bien écrite de tous les événements mondiaux et des circonstances qui ont conduit à la tragédie au Cambodge.

The Killing Fields (La déchirure en version française) (1984) est un film basé sur la vie du journaliste du New York Times Sydney Schanberg et de son assistant cambodgien Dith Pran. Ils étaient tous deux à Phnom Penh lorsque les Khmers Rouges sont arrivés. Schanberg a réussi à s’échapper du pays mais Pran a dû rester. Le film est un récit captivant de leur amitié.

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